I) Situation à 500hPa

   Une goutte froide s'est isolée dans la journée du vendredi 12 sur l'Espagne et la Méditerranée occidentale. Elle a produit un régime de vent d'est à sud-est fort sur le littoral méditerranéen avec des vents moyens de l'ordre de 100 km/h. Ces vents forts ont entretenu pendant 36 à 48 heures des remontées d'air méditerranéen très humide, engendrant des masses nuageuses importantes et quasi stationnaires. Elles ont déversé des pluies diluviennes et orageuses en particulier sur le Tarn, l'Aude, les Pyrénées-Orientales et l'Hérault. L’Aude a était le département le plus touché durant cet épisode.
De plus, le violent vent de sud a provoqué une forte houle en Méditerranée laquelle a freiné l’écoulement des eaux de pluies vers la mer et a aggravé ainsi le phénomène de crue en amont. Une surcôte de plusieurs mètres a ainsi pu être observé sur les stations littorales avec des dégâts sur les fronts de mer.

II) L’épisode

      1) Vendredi 12 Novembre:

   Des pluies affectent déjà le matin une partie du Sud de la France, les précipitations ne sont pas encore très fortes. Ces pluies du matin affectent surtout l’Ouest Audois ainsi que l’Hérault avec déjà des remontées orageuses instables et avec parfois de bonnes intensités pluvieuses tout de même.A partir de 15h les cumuls sont de l’ordre de 98mm à Lézignan-C. et à Perpignan. Mais petit à petit les pluies vont se renforcer.

   Vers 16h une cellule orageuse apparaît au large, à l’Est de Perpignan, elle est d’une activité pluvieuse et orageuse soutenue. Elle prend une trajectoire Nord-Est tout en se régénérant sans cesse sur les P.O.. Entre 16h et 20h c’est surtout les Corbières et le Minervois qui subissent des pluies diluviennes mais elles n’ont pas encore atteint leur paroxysme.

   Petit à petit un orage à propagation rétrograde s’étend de la frontière espagnole du Perthus jusqu’au flanc Nord de la Montagne Noire et de l’Espinouse. Les pluies stagnent toute la nuit sur ces régions en suivant les villes du Boulou (66), de Perpignan(66), de Ferrals-C.(11), de Lézignan-C. et jusqu’à Mazamet (81). Jusqu’à 01h UTC le 13/11 l’activité pluvieuse est la plus soutenue de tout l’épisode.
   Les cumuls sont extrêmes dans un court laps de temps avec par exemple 192mm à Lézignan-Corbières entre 00h et 02h locales.

  Cette ligne pluvio-orageuse qui a stagné pendant plusieurs heures au même endroit déversant des trombes d’eau principalement dans les Corbières a atteint une intensité comprise entre 205 et 365 mm/h !
La ligne a ensuite diminué en intensité en restant tout de même assez forte (100 de mm/h) tout en se décalant vers la Montagne Noire, le Carcassonnais et le Sud du Tarn où là l’intensité a atteint son paroxysme avec beaucoup de dégâts dans la région de Mazamet.

  Mais un autre élément a été très perturbateur dans l’écoulement de ces eaux de pluie vers la mer, en particulier sur le bassin versant du fleuve Aude. Le vent marin a soufflé en tempête avec des valeurs de vent affolantes de l’ordre de 100 km/h en moyenne toute la journée sur les côtes audoises (un peu moins puissant sur les côtes du 66) et même jusqu’à 110km/h en moyenne sur la journée à Cap-Leucate et Port-la-Nouvelle avec des pointes à 140/150 km/h en rafales ! Des bâteaux en détresse ont été signalés dans les zones littorales et un cargo s'est même échoué sur la plage de Port-la-Nouvelle emporté par la houle déchaînée.

   Cette journée et notamment la soirée et le début de nuit a été la plus mouvementée sur les Corbières, le Minervois et l’Est de la Montagne Noire (vers Le Pic de Nore) .

        2) Samedi 13 Novembre

   Vers 05h UTC une autre petite ligne orageuse se forme et touche la région Carcassonnaise ainsi que la Montagne Noire, elle va stagner durant 1h apportant une bonne partie du total pluvieux sur Carcassonne et l’Ouest de la Montagne Noire. Durant cette journée c’est surtout l’Hérault qui a connu des pluies mais avec des intensités beaucoup moins fortes. Le vent a toujours continué à souffler mais a été moins puissant que la journée du 12. Les pluies ont ensuite commencé à cesser où à devenir insignifiantes durant la fin d’après-midi, le lendemain les dégâts ont pu commencé à être évalués.

       3) Les valeurs remarquables de l’épisode à Lézignan-Corbières (11)

   Les pluies ont débuté le 12 vers 04 H du matin pour s'achever le 13 en début de nuit, prenant un caractère intermittent jusqu'au lever du jour le 14. L'épisode a ainsi duré environ 36 H, totalisant 624 mm à Lézignan-Corbières (l'équivalent d'une année de pluie moyenne!), mais l'essentiel des pluies a été recueilli en 24 H ou moins durant la journée du 12 et la nuit du 12 au 13.
En soirée du 12, le total atteignait déjà 261 mm à 22H (avec une intensité maximale de 126 mm en 3H de 16H30 à 19H30). Après une brève accalmie, les pluies ont repris vers 23H avec une intensité maximale de 229 mm en 3H de 23H à 02H le 13, dont 112 mm en 1H de 00H06 à 01H06.

III) Les dégâts

   Les eaux ont ruisselé à grande vitesse sur des sols déjà saturés par les pluies précédentes, créant un effet de vague. Le phénomène a été particulièrement intense sur les bassins versants situés immédiatement à l'amont des Basses Plaines de l'Aude : ceux de l'Orbieu, de la Cesse et de la Basse Vallée de l'Aude, notamment alimentée par l'Argent Double et la Clamoux descendant de la Montagne Noire.
Provoquant des ruptures de digues, les vagues ont emporté avec elles toutes sortes de débris. Ces matériaux ainsi que les bois morts et la végétation présents dans le lit majeur des rivières ont formé des embâcles devant certains ouvrages, créant de véritables barrages qui se sont ensuite rompus brutalement sous la pression de l'eau, entraînant la coupure des ponts routiers. De 18h00 à 4h00 du matin , les importants volumes d'eau brutalement libérés ont successivement inondé les villages et les routes du Minervois, du Lézignanais, des Corbières et enfin des Basses Plaines de l'Aude surprenant les habitants et les automobilistes en pleine nuit. 

   La phase de reconstruction a duré plusieurs années, le coût a été estimé à 3,5 milliards de francs pour les 4 départements touchés, dont plus de 2 milliards pour le seul département de l'Aude.
Les secours d'extrême urgence versés aux familles sinistrées ont atteint la somme de 10,5 millions de francs. Les dépenses occasionnées par la mise en œuvre du Plan ORSEC (du 13 novembre au 15 décembre 1999) se sont élevées à plus de 30 millions de francs.
   Alors qu'au début de la crise, les besoins les plus urgents exprimés en matière d'aide aux personnes démunies paraissaient innombrables, ils n'ont, en réalité, représenté qu'une faible part des dépenses (16 %), la plus grande partie étant absorbée par la réfection des infrastructures routières (44 %).
L'inondation a entraîné la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour 232 communes du département de l'Aude (arrêtés interministériels du 18 novembre 1999 et du 7 février 2000).
   Il faut remonter très loin dans le temps pour trouver un épisode pluvieux avec les mêmes cumuls sur cette région. Il faut noter enfin que cet épisode a causé la mort d’une trentaine de personnes et a obligé les secours à intervenir des milliers de fois, restant donc dans la mémoire locale et nationale.

http://www.institut-montagne.org/ori-oai-search/notice.html?id=institut-montagne-ori-wf-1-70881&format=dc_id

http://tempetes.meteo.fr/Tempete-du-12-novembre-1999.html