Au sommaire :
> Retour sur la semaine 52, du 23 au 29 décembre 2024
- Violent Mistral à l'arrière d'ENOL, un point sur les rafales et leurs prévisions
- Stratus et brouillards ont recouvert plusieurs régions tout au long de la semaine
- Bref comparatif prévisions vs observations
> Prévisions de la semaine du 30 décembre au 5 janvier :
- Temps calme, avec stratus et brouillards sur une partie nord, avec un ciel plus clair au sud
- Temps agité ensuite, avec des pluies, un petit risque neigeux au nord, un peu de vent
- Temps indécis pour le week-end, une grande douceur remontant de Méditerranée est possible bien que l'option froide soit présente et en perte de vitesse...
Retour sur la dernière semaine 2024 :
La semaine à débuter avec l'évacuation de la tempête ENOL vers le Danemark. Les rafales se sont calmées sur le nord du pays. Près de la Méditerranée, Mistral et Tramontane ont continué à balayer le ciel avec violence : 201 km/h au Cap Corse (2B), 120 km/h au cap Béar (66), 160 km/h au cap Cépet (83), 134 km/h à Hyères (83) et 128 km/h à Porquerolles (83).
Sur ces dernières valeurs relevées en fin de nuit (6h TU), voici quelques éléments structurants.
Les rafales sont un phénomène chaotique provenant de la variation de la vitesse du vent en fonction de différents paramètres : gradient de pression bien sûr mais aussi thermique, orographie, rugosité et frictions, turbulence, plans d'eau, etc. Cisaillement et convection sont déterminants également. Il n'est pas possible de prévoir de manière déterministe la valeur maximale du vent atteinte sur un pas de temps donné. Il est possible d'obtenir une distribution des probabilités et, à travers celles-ci, de définir une fourchette de valeurs selon le type de risques (par exemple, des bâtiments, un aérodrome, un parc d'éoliennes, etc).
De plus, plus la vitesse moyenne du vent augmente, plus le cisaillement augmente en raison des frictions près de la surface, et donc la turbulence, élargissant les probabilités du champ de rafales.
Les rafales maximales fournies par les modèles numériques sont des paramétrisations le plus souvent en lien avec la turbulence dans la couche limite de l'atmosphère. Ils sont généralement couplés à l'orographie et, en cas de convection profonde pronostiquée, un traitement particulier peut être appliquée (cas des rafales convectives par exemple).
Lors de cette fin de nuit, la convection profonde était absente mais la turbulence était largement présente.
(graphiques et cartes sont à agrandir)
Tout d'abord l'environnement géographique de ces trois stations :
elles sont toutes trois entourées par ou à proximité immédiate de la mer : celle du cap Cépet, à 126m, est sur une presqu'île, face à la grande rade de Toulon, celle de Porquerolles, à 143m, est sur l'île éponyme et enfin celle d'Hyères-Le Palyvestre, à 2m, est sur le littoral, à la racine du double tombolo. Elles se situent sur l'aval des reliefs par rapport au Mistral.
Au sud, la mer s'étend. Les reliefs sont importants au nord. Ils dépassent les 1100 m sur les crêtes à l'est d'Aubagne (massif de la Sainte Baume, 1) et les 800 m au nord de Toulon (2, Mont Caume). En plus des cimes, le relief est très accidenté, l'écoulement général subit des perturbations. Des mouvements verticaux ondulatoires se créent. De petits tourbillons peuvent aussi se créer.
Sous le vent de ces reliefs, côté mer, une partie de l'écoulement contourne et suit la côte, côté mer.
À 6h TU, la situation est celle-ci : un anticyclone gonfle sur le proche Atlantique tandis qu'une dépression longe les côtes croates en direction de la mer ionienne. La tempête ENOL se comble sur le Danemark et entre en mer Baltique. Entre ces trois centres, un solide courant de nord s'établit depuis les îles Féroé jusqu'à la Tunisie.
À la même heure, le minimum de pression est mesuré à la station d'Hyères.
L'analyse du modèle de Météo-France AROME 0.025° dans son cycle 6z est la suivante : la pression atmosphérique réduite au niveau de la mer est analysée à 1030 hPa de Saint-Jean-de-Luz à Ouessant. Elle décroît vers l'est jusqu'à 1015 hPa à la frontière franco-suisse et sous les 1010 hPa sur l'extrême sud-est de PACA et la Corse.
Le relief pris en compte par le modèle (AROME_EURW1S40) et les trajectoires simulées du vent ont été ajoutés sur la carte « zoomée ». En-dessous sont les simulations des rafales maximales attendues par le modèle à H+3 (cycle 3z), en km/h et le contexte d'altitude, ici l'altitude en décamètre de la tropopause conventionnelle (PVU = 2). On remarque au passage que le relief pris en compte par le modèle n'est pas le relief réel. À titre d'exemple, les 1148 m réels de la Sainte Baume sont réduits à 817 m décalés d'environ 3 km vers l'est dans le modèle. Il en va également des traits de côte.
Les mesures semblent confirmer la présence d'un minimum relatif entre Hyères et Saint-Tropez.
Le relief force aussi des convergences locales, visibles sur l'analyse, en plus d'augmenter la turbulence. Ces convergences peuvent amplifier des effets locaux depuis les pentes abruptes des Monts toulonnais et du massif du cap Sicié (3) ou encore avec le débouché de la vallée du Gapeau (4) sur la plaine de Hyères.
L'énergie cinétique de turbulence (TKE, Turbulent Kinetic Energy) permet d'avoir la réponse du modèle aux différents facteurs de turbulence (cisaillements, convections, reliefs notamment).
Ces facteurs s'opposent au vent ce qui contribue à le freiner. Cela produit un gradient vertical de vitesse (les couches supérieures sont impactées) et induit une turbulence. Un flux turbulent tend alors à descendre vers les niveaux inférieurs, donc vers le sol.
La TKE induite se renforce logiquement avec l'abaissement de l'altitude et se manifeste sur les zones de reliefs ou de changement de type de surface.
La TKE offre un outil d'estimation des secteurs où le gain de vitesses peut-être fort, sans connaissances pointues de la topographie locale.
Notons que la TKE se rencontre à tous les niveaux d'altitude, en fonction des conditions atmosphériques.
Quelques simulations de la TKE à 500m pour ce lundi 23 décembre à 6h TU selon les cycles précédents d'AROME : le cercle orange, presque au centre, indique la position approximative des stations. Les cartes proviennent du site de données publiques de Météo-France (https://donneespubliques.meteofrance.fr/?fond=produit&id_produit=131&id_rubrique=51 , item « Visualisation WMS »).
Les cycles déterministes d'AROME simulaient en valeurs brutes sur le sud du Var des rafales maximales comprises entre 40 et 50 nœuds, soit environ 75 à 90 km/h, dont le dernier cycle de prévision (plus haut). Ces valeurs ont été observées sur plusieurs postes du secteur mais la lecture brute n'a pas permis d'anticiper les plus hautes valeurs. Le timing n'a pas été abordé, il aurait pu suggérer des évolutions complémentaires.
La nature non déterministe des rafales peut alors mal s'accorder aux simulations déterministes dans le cadre d'une prévision des risques à fort impact potentiel. L'emploi de produits probabilistes / issus des ensembles peut être un moyen simple et efficace d'estimer ce niveau de risque.
Exemple avec les EFI / SOT issus d'IFS selon les précédents cycles :
Les valeurs de l'EFI augmentent régulièrement sur PACA et principalement sur le sud de PACA. De 0.7 à 0.8 à J-5, l'EFI s'élève entre 0.9 et 1 à partir de J-2. Les SOT partent à J-5 à peine positif sur une faible étendue jusqu'à des valeurs supérieures à 1 près des côtes et positives sur tout PACA.
Les valeurs du Q90 de M-Climate sont supérieures à ~ 100 km/h (25-30 m/s). Les SOT supérieurs à 0 marquants le comportement de la simulation au-delà du Q90, les valeurs supérieures à 1 indiquaient un risque de rafales nettement supérieures à celui simulé par AROME déterministe. Ce qui a été finalement observé.
Les jours suivants furent marqués pour une large partie du pays par les stratus et les brouillards, souvent persistants. Le sud-est et la plaine du Pô étaient à l'inverse parfaitement dégagés et la masse d'air était foehnée. Les jours suivants, un temps plus lumineux se développait sur le sud de l'Europe centrale. Samedi et dimanche, le vent redevenant plus continental, les nuages bas s'étendaient à nouveau sur l'est du continent jusqu'à la France.
En altitude, de hauts géopotentiels sont présents sur l'Europe occidentale. Le Jet s'écoule entre Islande et Écosse vers la Scandinavie avant de redescendre via la Pologne vers la Sicile, longeant ensuite les côtes libyennes puis de remonter vers la mer Noire. Deux zones de bas géopotentiels se situent l'une au large de Gibraltar, la seconde sur la Méditerranée orientale et la Turquie.
En surface, les conditions sont largement anticycloniques sur l'Europe occidentale. Les mouvements horizontaux de l'air sont globalement calmes au-dessus de la France, ceux verticaux sont essentiellement dirigés vers le bas (subsidence).
Les conditions sont devenues anticycloniques avec un faible gradient de pression. Ce dernier implique un vent calme ou très faible près du sol, donc une absence de brassage. L'angle réduit du Soleil, la longueur des nuits complètent ce tableau générant ce temps gris, humide et frais voire froid.
Le temps est généralement plus clément en altitude.
La couche d'air près de la surface se refroidit par dissipation de la chaleur contenue dans le sol, d'autant plus qu'il y a peu de brassage. La couche d'air chaud au-dessus empêche tout phénomène de convection. Air froid, humidité et polluants se retrouvent ainsi piégés.
Sur un tiers sud-est du pays, les pressions relativement plus basses en direction de l'Adriatique autorisent un vent de nord dans le couloir Saône-Rhône laissant au Soleil la place pour de généreuses apparitions.
Voici ce que cela donnait le jour de Noël :
L'ensoleillement était nul ou restreint sur les deux tiers nord-ouest. Les pluviomètres étaient à 0 ou à 0,2 mm (rosée ...), confirmant une chape de nuages bas et de brouillards sans perturbation.
Le radiosondage de 12h TU effectué par Météo-France à Trappes (78) à lui seul retrace le scénario.
Le coude de la courbe d'état (températures, en rouge) marquant l'entrée dans la stratosphère (l'air se réchauffe au-dessus de la tropopause) est au-delà des 200 hPa, indiquant des hauts géopotentiels et une masse d'air douce. L'origine subtropicale se confirme puisque la température pointe à -15°C à 500 hPa et à +8°C à 850 hPa. Le vent est faible sur toute la colonne, à peine plus marqué en moyenne troposphère (500-600 hPa) où l'accélération induite par la goutte froide sur la Grèce est encore perceptible.
L'air s'assèche en gagnant en altitude (point de rosée en vert, humidité relative en bleu). La température potentielle (en violet) croît régulièrement avec l'altitude une fois passée le cap des basses couches, signant la stabilité de l'air.
Sous le kilomètre, l'air est saturé et suit l'adiabatique (orange). Au-dessus, une inversion (S inversée de la courbe d'état) inhibe tout échange avec les couches supérieures. Cet air provient de l'Atlantique méridional, à une altitude similaire, comme le montre la trajectoire inversée ci-dessus.
La couche saturée matérialise brouillards et stratus jusqu'à environ 600 m, soit une épaisseur de 400 à 450 m, la station étant indiquée à 168m. Au-dessus, le Soleil brille certainement.
Cette configuration est commune à toutes les régions soumises à ces nuages bas.
Quelles étaient les prévisions pour cette semaine 52 :
Les températures :
> Les gelées seraient de plus en plus nombreuses au cours de la semaine sur les deux-tiers sud-est ou les deux-tiers sud du pays, pouvant concerner le proche-intérieur méditerranéen. Elles pourraient gagner vers le nord-ouest le week-end, c'est toutefois à confirmer.
> Les maximales, plus variables en fonction de l'ensoleillement et donc de la nébulosité, demeureraient sous les 5°C dans le nord-est avant de remonter un peu par la suite.
Les gelées n'ont pas été plus nombreuses sur les deux tiers sud-est du pays. Elles ont au contraire régressé vers un quart est du pays alors que la douceur gagnait par l'ouest. Ce n'est qu'à partir du jeudi 26 décembre que cette tendance s'inverse et les températures négatives gagnent vers le nord-ouest.
Les maximales sont restées souvent sous les 5°C de Rhône-Alpes aux frontières luxembourgeoises et allemandes. Elles étaient généralement au-dessus des 10°C sur une petite moitié ouest et couramment au-delà des 15°C près de la Grande Bleue, localement jusqu'à 20°C. En revanche, à compter du 26, elles baissent fortement sur la moitié nord, localement négatives sur le Centre puis plus fréquemment ensuite de la Picardie à la Champagne. Sur la moitié sud, la douceur se maintient, voire s'est accentuée.
Les précipitations :
> Peu de pluies sont à attendre, principalement sous forme de bruines. Des chutes de neige sont probables sur les Alpes et les Pyrénées ainsi que sur les sommets Corses et du Massif central.
Quelques bruines ont été observées sous les stratus. Des ondées ont affecté les côtes de la Manche lundi. Des chutes de neige ont concerné les principaux massifs.
Le vent :
> Excepté Mistral et Tramontane soufflant avec violence lundi et mardi et mollissant mercredi, le vent serait faible.
Comme déjà exposé, hormis le Mistral et la Tramontane en début de semaine, le vent a joué la discrétion toute la semaine.
Comparaisons avec quelques simulations numériques : différences entre le Z500 simulée par GFS à H240, H168, H120 et H72 et l'analyse du même modèle le 25 décembre à 12 TU (prévisions - analyse).
Prévisions semaine du lundi 30 décembre au dimanche 5 janvier :
Ces 15 derniers jours, l'écoulement fut essentiellement de W ou de SW sur l'Europe occidentale, parfois assez haut en latitude. Il y eut une exception durant la tempête ENOL.
Sur l'est de l'Asie et le Pacifique, la circulation est restée zonale. L'arrivée sur les Rocheuses perturbe l'écoulement qui devient plus ondulant, favorisant la présence de creux sur l'est des États-Unis et de crêtes sur l'Atlantique. Le vent a une magnitude a minima modérée.
Aujourd'hui, le continent nord-américain demeure dominé par de faibles ondulations, à courbure anticyclonique sur l'ouest, cyclonique sur l'est. Une advection positive de températures s'effectue vers la baie d'Hudson. De la CVA (advection de tourbillon cyclonique) liée à une advection froide sur le Midwest réactive une dépression circulant du Texas vers l'est des Grands Lacs puis le Québec, en se creusant. Une autre advection subtropicale prend forme en aval.
Sur l'Atlantique, un fond de thalweg est présent loin au sud du Groenland. Stable, il impulse de l'humidité sur l'est et le nord de l'Atlantique. L'est de l'océan est concerné par de hauts géopotentiels trahissant une masse d'air subtropicale advectée (rouge). La circulation principale est rejetée du sud du Groenland au sud de la Scandinavie (vert). Une écharpe d'anomalie basse de tropopause s'enroule des Pays baltes à la Manche, au proche-Atlantique jusqu'au nord des Canaries avant de s'orienter sur le Maghreb puis la Turquie (orange). L'intrusion d'air stratosphérique plus sec colore en sombre ces rubans avec le canal vapeur d'eau 6.2 µm.
Cette situation sur l'Europe de l'ouest devrait subsister durant les 3 premiers jours de la semaine.
Au sud du thalweg groenlandais, une advection froide s'amplifiant associée à une faible CVA participerait à la cyclogénèse d'une dépression dans une trajectoire qu'on peut anticiper vers l'ENE. Elle parviendrait dans les parages de l'Irlande ou de l'Écosse en journée de mardi sans nous affecter à priori.
Cependant, l'advection chaude sur la baie d'Hudson se décalant vers l'est, il est probable que l'apport polaire à l'arrière de cette dépression irlando-écossaise soit accentué. Un nouveau secteur fortement barocline génèrerait un creusement en directipon des îles britanniques. La forte humidité drainée par le thalweg sud-Atlantique alimenterait la perturbation associée : les pluies pourraient être abondantes.
Ensuite, l'Europe occidentale serait à l'interface entre les advections polaires et subtropicales. Des drains humides plus ou moins intenses alimenteraient des systèmes frontaux. Les hautes pressions se décaleraient vers la Méditerranée.
Globalement, un temps sec et encore calme est prévu jusqu'à mercredi inclus. Les gelées seraient encore fréquentes sur le pays et rares seront les stations y échappant, hormis les côtes. Les températures resteraient proches de 0°C sous les stratus tenaces.
À compter de mercredi, les maximales se radouciront par le nord-ouest en même temps que le vent de SW se lèverait : un risque de coup de vent est à envisager.
Des pluies longeraient les côtes de la Manche.
À partir de jeudi, un temps plus agité et pluvieux s'installerait. Il existe un faible risque neigeux de la Normandie au nord-est. De nombreuses incertitudes demeurent sur la position de l'interface entre l'air doux et humide remontant de l'Atlantique et de la Méditerranée et l'air froid descendant d'Islande. Il n'est pas certain que cela affecte la France.
À cette interface, les pluies pourraient être significatives et durables et de la neige donc pourrait tomber à basses altitude, voire en plaine, sur une bande relativement étroite.
La neige tomberait dès la moyenne montagne.
Le vent, sans être tempétueux, pourrait s'inviter par moment.
Pour ces mêmes raisons, il est difficile à cette échéance de déterminer plus précisément les températures. Un dégradé est fort probable : fraîches à froides sur une partie nord, douces sur une partie centrale à définir, de saison avec une amplitude diurne plus marquée sur une frange sud.
Le temps du week-end est indécis pour le moment. Un froid plus vif (30%) ou une grande douceur (70%) gagnant par le sud sont plausibles.
Néanmoins, sur la semaine, un excédent pluviométrique serait constater sur la moitié nord, un déficit pluviométrique persisterait sur la moitié sud. Sur le plan thermique, la France resterait sous la norme 1991-2020, l'anomalie prévisible étant faible à modérée.