• Date d'envoile 13/07/23, 15h11

Ce mardi 11 juillet, je suis en vacances 1 semaine, sans obligations familiales, ma femme travaillant et mes 2 enfants étant gardés ailleurs. Ça sera la seule semaine avec un tel alignement de planète de tout l'été. Je dois en profiter s'il y a de l'orage. Et j'ai l'habitude de faire 1 fois par an un pèlerinage orageux dans le massif central.

La prévision des orages est cependant dans un premier temps pour moi assez mauvaise. De très gros orages sont prévus sur l'alsace-loraine, le jura et à partir de la vallée du Rhone et des alpes avec une initiation très ponctuelle sur le massif central, tout partant vite plein Est. Beaucoup trop loin pour moi qui part de Nantes, je décide donc de ne pas partir. Les prévisions pour ces régions sont par contre démentes, on craint un derecho avec des rafales à 150-200km/h, on pronostique d'ailleurs une vigilance rouge météo-france et le niveau 4 keraunos sur le Nord-Est et le Centre-Est. Je fais d'ailleurs moi-même mes propres prévisions fines avec l'aide des radiosondages et pronostique une évolution supercellulaire sur le massif central évoluant très rapidement en multicellulaire sur l'Est, type bow echo, lewp, derecho. Intéressant, mais inchassable pour moi venant de l'Ouest. Mais par habitude j'attends le run de 18z de la veille pour me décider vraiment.

Il voit les choses différemment. D'abord une initiation orageuse le matin, de moyen étage (plafond à 3km) entre Niort et Bourges se déplaçant rapidement jusqu'à midi en région centre, puis une évolution supercellulaire sur l'Auvergne en début d'après-midi durant jusqu'en soirée. Pour le reste cela reste similaire aux précédents runs (derecho possible dans l'Est). Une autre ligne orageuse est vue ensuite en nocturne remontant du sud-ouest jusqu'au puy-de-dome et Lyon. J'ai peut-être un coup à jouer entre Bourges et Clremont-ferrand donc. Ca va être un sacré périple et risqué. je mets mon réveil à 6h et ferais un dernier point le matin.

6h le 11 juillet. Les runs du matin confirment le run du 18z, c'est donc parti, j'y vais, c'est parti pour une grande aventure. J'ai 2 options pour partir, prendre l'autoroute, payer 30€ de péage, pour arriver en 3h bien en avance sur les orages sur Bourges. Ou prendre les routes sans péages, mettre 4h pour arriver vers Issoudun, en risquant d'être juste niveau timing, mais par contre en suivant de bout en bout la ligne orageuse entre Niort, Poitiers et Bourges. Je choisi l'option 2.

Le temps de bien préparer le matériel et la possibilité de dormir dans la voiture, 8h c'est le départ. Il fait beau et déjà chaud sur Cholet et arrivé vers Bressuire, j'aperçois déjà les lignes d'altocumulus pré-orageux qui vont être les embryons de tout ce qui va se développer plus tard. Arrivé sur Poitiers, une ligne d'altocumulus que je suis à la trace en pleine ligne de mire, s'organise en congestus, alors qu'autour le beau temps revient. Je suis un peu en retard sur eux, mais reste au coude à coude pour les intercepter.

Il est déjà midi passé quand j'arrive à Chateauroux-Issoudun et des orages ont déjà commencé à se former depuis 1h sur cette ligne. Je suis pas trop mal placé pour les observer et d'autres noyaux arrivent par derrière, mais ça reste des orages d’atmosphères libres, peu foudroyant, peu structurés, avec une forte luminosité et un air très sec en basse couche peu propice au développement supercellulaire. Finalement ces orages se montrent décevant et continuent leur chemin vers le Nord de Bourges. Un petit noyau plus actif et isolé au sud tente de mieux se structurer et prend ma direction. J'aperçois une base intéressante en contre jour mais je dois me replacer s'il commence à dévier, il me fonce droit dessus. Le temps de trouver un spot adéquate, très vite la base est décapité par l'air sec, ne reste que la gigantesque enclume et une petite collone ascendante en dissipation. J'apprendrais bien plus tard que cet orage se reformera passé Bourges et sera l'embryon de tous les orages qui se formeront par la suite dans le Nord-Est.

J'ai fait les 2 tiers du chemin jusque dans l'allier, voyons la phase 2 et prenons de l'avance sur d'hypothétiques orages là-bas. Direction le Nord-Ouest de Vichy sur un spot où j'ai mes habitudes. Quelques cumulus sont présents mais aucun signe de convection dans une chaleur étouffante. On dépasse largement les 35°C, ma voiture indique même 38°C en roulant (pas très précis ceci dit). Pendant 1h rien ne se passe, mais au SO, en contrejour j'aperçois une première cellule orageuse. Difficile d'apercevoir quelque-chose dans cette brume de chaleur mais il ne doit pas être loin, j’entends le tonnerre au loin. Parallèlement au Nord, entre Moulin et Dijon, je vois de très gros et massifs bourgeonnements convectifs. L'orage là-bas doit être très costauds. C'est assez joli même d'aussi loin, je décide donc de le filmer au time lapse.

L'orage dans l'Allier quant à lui se rapproche de moi, mais je suis mal placé, il se dirige pile dans mon axe. S'il commence à dévier vers la droite je serais même un peu su coté opposé, le moins intéressant, mais il se déplace tellement vite que je n'ai pas le temps de me replacer et j'espère toujours même de là où je suis à capturer la foudre en air sec avant que la pluie n'arrive. Je connais mal les spots du coin, et tout s'enchaine tellement vite que je n'ai pas le temps de trop réfléchir. L'enclume gagne du terrain et prend maintenant tout le paysage en passant au-dessus de moi. Des orages se forment aussi plus vers l'Est. Ceux-ci ne me concerneront pas et me fuiront en direction de Lyon. Bref c'est parti.

Je choisi l'option de rester sur place, tant pis si je suis mal placé sur cette supercellule, étant donné que cela prend d'un peu partout, je me dis que peut-être un orage va se former à mon ouest et dévier vers moi. En attendant je laisse la supercellule principale me passer dessus légèrement sur son coté gauche. Il pleut fort, je quitte le chemin de terre et je me replace donc sur un chemin bitumé où je peux quand même observer. Aucune grêle de ce coté là, ni foudre intéressante à mon désarroi, alors que réfugié dans la voiture je tente de la capturer. Le déclencheur sonne tout le temps, mais rien de visible.

La supercellule passe sur Vichy et à l'arrière j'aperçois que ça reprend sur le même chemin en splittant. Je me situe pile à l'endroit où ça splitte, mais voit un peu mieux le moteur gauche. Parallèlement d'autres très forts orages se forment à l'ouest, ceux-ci je suis de leur coté droit et je fais de superbes photos des bourgeonnements naissants. Mais ils s'éloignent rapidement vers l'Est. Je me situe vraiment à l'endroit où naissent les supercellules, c'est à dire juste avant qu'elles ne développement toutes leurs formes matures et habituelles. Le moteur gauche s'écroule avant d'arriver sur moi et une autre se forme pile dans mon axe.

Cette fois c'est trop, ça fait 3 fois que ça se forme au même endroit et 3 fois que je suis mal placé, je décide de me replacer sur leur coté droit, en allant plus près de Vichy mais je dois faire un core punching et traverser l'orage, c'est risqué. Je tente le coup avant que le nouvel orage n'aille vers l'Est comme les autres. De la grosse grèle tombe effectivement sur le chemin, mais rien de dangereux (2 à 3 cm sans doute). Arrivé sur mon spot, 2 chasseurs et leurs enfants sont présents. Et je me rends compte que je suis effectivement mieux placé maintenant pour observer le défilé de supercellules qui se forment à l'Ouest de Vichy.

Toujours marrant de rencontrer des chasseurs dans un tel moment. Ils me racontent alors ce qu'ils viennent de vivre. Ils viennent d'essuyer une averse de grêle impressionnante avec des dégâts sur leur voiture. Des grêlons de 8 à 10 cm pour le plus gros. Quand il m'a montré les photos des grêlons qu'il a pris je n'en revenais pas. Je lui dis tout de suite que c'est exceptionnel et qu'il doit contacter keraunos, infoclimat etc... Vous avez sans doute vu ses photos, elles ont fait le tour des médias depuis. Me concernant, arrivé 1 à 2h après eux sur ce spot, il restait encore des grêlons dans l'herbe que j'ai ramassé qui faisaient bien encore 4 à 5 cm : voir ma photo sur twitter : https://twitter.com/DamienBELL.../status/1678824685255925760
Sur ce coup je l'ai échappé belle finalement. Je me rends compte que j'ai peut-être bien fait de sacrifier une partie de mes photos intéressantes pour échapper à ça. Voir sa publication : https://www.facebook.com/photo/?fbid=578701957795134&set=pcb.578702144461782

Nous restons sur ce spot à observer les orages pendant 1 à 2h et constatons que plusieurs formations supercellulaires se forment les unes derrières les autres encore, toujours aux mêmes endroit. Esthétiquement c'est à la fois jolie, mais pas forcément foufou non plus, les structures supercellulaires sont assez noyés de nuages et pluies parasites, c'était probablement plus joli au début, mais on sent que c'est violent en dessous, ça ne fait aucun doute. Mais parfois nous sommes génés par la pluie qui revient sur nous par des orages annexes. la foudre est par contre assez absente, sauf un coup de foudre sorti de nul part très proche qui nous a tous surpris (personne l'a eu en photo malheurement, car y'avait rien qui le laissait penser). Progressivement la ligne semble se décaler vers le Sud, toujours en formant des nouveaux orages d'Ouest en Est. Après quelques hésitations sur la suite, je décide de me séparer d'eux et d'aller sur les collines à l'Est de Vichy pour les devancer.

Sur mon chemin je traverse la ville, en faisant de nouveau un core punching dangereux. Je constate alors de nombreux dégats dans la ville et alentours. Toitures endommagés, parebrises étoilés, mobilier urbain cassé - déplacé, de nombreux arbres arrachés, inondations dans les rues et évidemment des débris végétaux un peu partout. Et dire que le tour de france doit passer entre clermont-ferrand et moulin le lendemain. Ils l'ont échappé belle. Arrivé sur le nouveau spot, je constate que je suis encore sous l'orage et que la grêle commence à tomber. Hors de question de rester là-dessous. Je dois partir plus au sud encore et de toute façon je comptais intercepter les orages nocturnes dans le puy-de-dome, donc direction Thiers (près de vollore-ville pour les connaisseurs d'infoclimat ^^).

Mais je fais une erreur, j'indique au GPS le chemin le plus court, ce qui fait que je fais Vichy-Thiers par les petites routes de montagnes. Un enfer, le tout sous un déluge monstrueux et de la grêle, avec des arbres arrachés des orages précédents. Jamais je n'ai chasser dans des conditions aussi exécrables, tout est mauvais, petite route sinueuse interminable, vue impossible entre foret et vallée encaissé, conditions apocalyptique, je vais mettre presque 2h pour faire 50km.

Mais au quart du chemin, alors que je sors tout juste de la ligne orageuse sur les contreforts de St Yorre, une vue dégagé, enfin. Une prairie à mouton et la clôture est ouverte, je fais marcher le SUV, le chemin n'est pas boueux il n'a pas encore plut ici (ça ne devrait pas tarder, je suis vraiment au bord de la ligne orageuse). Très vite alors que je pointe l'appareil photo vers une boule blanche de pluie, ce son arrive. Ce fameux son de la grêle imminente qui tombe et se rapproche. Qui a vécu une fois ça, connait ce son ambiant provoqué par la grêle touchant le sol. C'est le son du danger. je dois vite revenir à la voiture et trouver un endroit protégé. Une ferme, à peine j'y suis qu'un déluge de grêle s’abat sur moi. Heureusement étant en bord d'orage il ne fait que me frôler puis s'éloigne de nouveau. Je retourne sur le spot dans la prairie au mouton et j’entends le tonnerre proche suivi d'un flash intense dans le coin de l'oeil. Une cellule se forme proche de moi et elle foudroie. Vite se placer et capturer l'instant alors que la luminosité commence à décliner (l'heure bleue), ce qui permet d'augmenter un peu la vitesse et multiplier ses chances de capture. Quelques échecs et BOUM, triple impact extranuageux proche avec point d'impact visible, c'est THE photo. Je n'en réussirais qu'une car cette cellule commence à précipiter fortement et la foudre devient intranuageuse rapidement. L'orage fonce d'ailleurs droit sur moi, je dois de nouveau partir.

Direction la suite vers Thiers, le sourire au lèvre. La route de merde que j'emprunte me parait moins ennuyeuse maintenant que j'ai réussi cette photo. Je sens que ça foudroie encore assez proche, mais la pluie me gène et ensuite je ne trouve plus de spot, trop de forêt et de vallée. Après 2h de petite route dans la montagne pendant la nuit, j'arrive enfin au spot, près à attendre la suite. Les orages de Vichy commencent enfin à s'éloigner et flashent encore un peu au loin.

Vers minuit ça flash au Sud maintenant, les orages du sud-ouest empruntent pile ma direction. Mais ils vont s'avérer assez décevant au final, beaucoup trop d'intranuageux, un plafond nuageux très bas et quelques foudres mal cadrés souvent cachés par la montagne la plus proche, ça ne veut pas frapper devant. C'est assez décevant. Je suis pourtant très bien placé par rapport à eux, mais ça ne veut pas prendre comme je voudrais.

A 3h du matin, il est temps de penser au retour, demain je dois récupérer les enfants à 14h et j'ai peu de sommeil et beaucoup de routes à faire. Je prends l'autoroute cette fois pour gagner du temps, j'en ai marre des petites routes je fait ça depuis 8h du matin. Arrivé près de Vichy, je dois me résoudre à m'endormir dans la voiture. Une petite sieste de 2h et c'est reparti jusqu'à Nantes où j'arrive enfin en milieu de matinée. J'ai un créneau de 4h pour manger, prendre une douche et dormir avant de récupérer les enfants. La journée va être longue, vive le café. ;)