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[Itinéraires Polaires] Hivernage, jour 1
Par François mardi 25 février 2020, 15:10
Ce texte vous est relayé sur Infoclimat via le blog Itinéraires Polaires, carnet de bord édité par François Gourand, adhérent Infoclimat et hivernant en Terre Adélie en tant que météorologue à Météo-France. Bonne lecture !

Ca y est ! L'hivernage a officiellement commencé, depuis ce lundi 24 février au soir. La rotation de l'Astrolabe a donc été très rapide, encore plus qu'initialement envisagé, car la météo s'est mêlée, comme souvent, de l'affaire ! Il y a en effet une sensibilité particulière en fin de saison estivale en Terre Adélie : la glace peut se former assez vite, le vent est souvent plus fort, reprenant son rythme hivernal, avec moins d'accalmies, rendant les opérations logistiques plus difficiles. Et il y a le pack, cet ensemble de plaques de banquise dérivantes, qui bougent en permanence, et qui peuvent, surtout en cas de vent fort, bouger sensiblement, et reprendre possession de zones libres de glace. Or, ces derniers jours, la route était excellente pour naviguer jusqu'à DDU, avec très peu de pack. Le coup de vent que nous connaissons étant susceptible de changer assez rapidement la donne, l'Astrolabe a choisi de minimiser les risques en partant dès que possible, et ce fut donc ce lundi 24 au soir !

Le départ s'est fait en deux temps : tout d'abord, la grande majorité des passagers, des campagnards d'été, ont été embarqués vers 16h, comme prévu. La traditionnelle descente du coeur de la base vers l'abri côtier s'est déroulé dans une ambiance nécessairement particulière : plutôt joyeuse pour nous, hivernants, et plus triste, ou du moins tournée vers ailleurs, pour les autres, partants. Ensuite, nous avons à nouveau pu traverser le chenal du Lion sur la banquise qui demeure pour aller nous poster sur la piste du Lion, juste devant le bateau, dire au revoir aux partants, qui montèrent ainsi les uns après les autres sur le bateau. Après une brève remontée vers le coeur de la base, nous sommes redescendus pour une bonne partie d'entre nous vers 18h, pour larguer les amarres du côté île des Pétrels du bateau, et assister à sa sortie du chenal du Lion, depuis le Cap des Léopards. 

A ce moment, ne restaient comme campagnards d'été que 6 dockers, chargés de démonter le quai de débarquement du bateau, et de fermer pour l'hiver les installations de la piste du Lion. Ils remontèrent dîner comme prévu avec nous, dans une configuration à 30 déjà bien réduite par rapport à ce que nous avions connu durant toute la campagne d'été. Il était prévu qu'ils passent une dernière nuit sur la base, avant de prendre le bateau mardi matin. En effet, bien que sorti du chenal du Lion, le bateau attendait sagement à quelques milles de la base, pouvant se mettre à l'abri du vent à tout moment, derrière un iceberg. 

Les toutes dernières prévisions que mon collègue Michel a réactualisées lundi soir signalaient un coup de vent plus précoce que prévu, et peut être un peu fort. Une fois informé, l'Astrolabe décida qu'il fallait embarquer le soir même les 6 dockers, nous plongeant ainsi quelques heures en avance dans l'hivernage ! Les dockers avaient leurs affaires bien préparées, et en moins d'une heure ils furent prêts à partir. Nous les avons accompagnés une nouvelle fois jusqu'à l'abri côtier, mais de nuit cette fois, à la frontale sur les passerelles, à 22h. Le temps pour eux d'enfiler les combinaisons de sauvetage, obligatoires pour monter sur le gros zodiac dépêché par l'Astrolabe, nous leur avons dit au revoir, et ils ont embarqué sur la petite mais puissante embarcation, qui a rejoint le bateau quelques minutes plus tard, un peu plus loin.

En remontant de nuit sur la base en file indienne, entre hivernants, on a senti que quelque chose s'était passé. Ca y est, cette fois, l'espace entier était à nous, il est à nous, pour les 8 prochains mois ! Nous sommes restés un peu au séjour, qui a paru immédiatement si grand, si vide, si différent. 22 personnes qui étaient sur la base ce matin avec nous, pour la plupart depuis notre arrivée ici, n'étaient plus là ! La fin d'une longue et si spéciale journée, pour moi qui étais, avec Susie et Luc, de « service base ».

Aujourd'hui mardi soir, 24h après, rien n'a changé dans le paysage, les paysages, mais tout a changé, la perception du lieu, de l'espace, avec une drôle de sensation de légèreté. En effet, parmi notre groupe de 24 hivernants, seuls Alain chef technique (6 fois, dont 2009 avec moi !) et moi avons déjà hiverné à DDU. Pour tous les autres, les 22, il s'agit d'une nouvelle expérience, il y en a qui ont certes déjà hiverné dans les îles subantarctiques (Régis à Crozet, Malik, Pascal centrale, et mon collègue Alain à Kerguelen, Pol à Concordia), mais tous découvrent ce drôle de sentiment d'être ici « chez nous ». Beaucoup des campagnards d'été qui nous ont quitté hier viennent régulièrement, et se sentent chez eux sur la base, bien davantage que les nouveaux arrivants que nous sommes, ce qui créé forcément un climat particulier, avec un décalage dans les comportements des uns et des autres.

Ainsi, lorsque les habitués partent tous et nous laissent les clés de la base, c'est une page quasiment vierge à écrire, sans historique (ou presque), notre histoire qui vient. La sensation d'espace et de liberté rappelle beaucoup celle que j'ai connue et racontée sur ce même blog (voir mes publications des 27-28 février 2009 dans les archives), cette impression d'espace qui double dans les bâtiments, soudainement vidés. Mais il y a aussi des différences. En 2009, il y avait plus de monde sur la base en campagne d'été, plus de campagnards d'été « habitués », des « vieux de la vieille » qui venaient depuis des décennies parfois à DDU, le contraste avec leur absence à 24h  d'intervalle était sûrement plus fort. En 2009, c'était également nouveau pour moi, évidemment, et c'est une grosse différence. En 2009, on a fêté plus bruyamment le départ des campagnards, peut être pour toutes ces raisons, et c'était un peu plus émouvant, pour moi, en tout cas.

Cette année, je crois qu'on a tous mesuré l'importance du moment, le calme qui s'empare soudain de la base, dans une ambiance simplement joyeuse. On est venu pour ça, on y est ! On va se réappropier les lieux à notre façon, à notre rythme. Ce mardi 25 midi, avec Loïc, notre opérateur radio, nous avons offert une petite coupe de champagne à tous pour fêter ce premier repas d'hivernage. Une équipe a été fermer pour l'hiver le « dortoir été » qui abrite les campagnards. Je ressens une vraie sérénité, je commence à retrouver cette sensation assez unique d'isolement, d'éloignement joyeux, calme, en bonne compagnie. 

Nous avons reçu avec le bateau une quinzaine de sacs postaux, et j'ai ainsi reçu de jolies lettres et cartes, assez touchantes parfois, un colis de ce cher Roger, avec notre tampon de mission, merci encore à tous ! Certains ont ouvert leurs colis au séjour dans une sorte de Noël à retardement. Les quelques cartes et lettres que j'ai écrites ces derniers jours sont parties avec le bateau, l'activité postale de Malik va être beaucoup plus calme dans les prochains mois…. On ne sait pas trop quand et comment nos envois arriveront en France, avec les perturbations liées au coronavirus sur le trafic mondial, on verra bien.

Ce mardi, jour 1 de l'hivernage de la TA70, fut une journée active mais paisible, avec du vent, sans excès (environ 100km/h en pointe), plutôt douce (-1,5°C de maximale), et finalement avec un peu de soleil cet après-midi, une belle entame de notre séjour isolé. Vive l'hivernage, et vive notre TA70 !






Posté dans Actualité Météo
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